Entre sculpture et taxidermie, Sylvain Wavrant crée à partir de matière animale puisée dans les produits issus du cheval. Cuir, peau, crin, ossements, transformés pour différents usages, prennent à nouveau forme équine sous ses mains. Dans cette démarche, l’artiste se rapproche de son sujet pour mieux l’appréhender : modelant la fibre même du cheval, il en interroge la mémoire la plus profonde pour retracer les contours de sa relation avec l’humain, aussi conflictuelle qu’ancienne.
Ses recherches comme ses créations s’appuient sur des représentations antiques, qui donnent une certaine idée du vécu de l’animal domestiqué. Du cheval contemporain à ses représentations mythologiques, l’artiste approfondit un travail d’anamnèse auquel il s’inclut dans une approche empathique. On découvre alors, autant chez lui que chez l’animal, le rêve de s’affranchir de sa condition. Comme des envies de métamorphoses.
Au cœur de cet ensemble, deux figures transcrivent ce lien entre le cheval fantastique et celui que nous côtoyons. Chiron, demi-dieu immortel, paye sa proximité avec les Hommes. Blessé par une flèche empoisonnée d’Héraclès, le plus sage des centaures voit ici sa part animale changée en cheval d’arçon. Plus crûment, un Pégase en peluche, à peine né, trouve sa fin dans les filets d’une clôture électrique. Si ni la sagesse divine, ni les ailes ne permettent aux chevaux d’échapper aux Hommes, l’artiste, par son regard sensible sur leur existence, cherche à adoucir leur sort.
Photo : Mathilde Fanet
Sidonie Bilger
Dans une installation de dessin et peinture, Sidonie Bilger revisite la figure du centaure. Après sa découverte du monde équestre, l’artiste livre ses impressions dans une vision fantastique où l’humain et le cheval s’entremêlent. Marquée par les paradoxes de ce milieu, où l’animal, pourtant symbole de liberté, vit dépendant de l’humain, elle les projette dans une version actualisée de la créature mythique. Son travail, nourri par des enjeux contemporains, dialogue aussi avec l’histoire de l’art, depuis les fresques préhistoriques jusqu’aux plus grandes peintures d’histoire.
Au cœur de sa proposition, deux imposantes compositions au fusain sur papier, construites sur la base d’une seule Horde, voient les rôles s’inverser. Un groupe de manifestantes battent le pavé de leurs sabots, tandis qu’une foule de chevaux bipèdes semblent égarés par leur soudaine métamorphose. Dans d’autres formats, elle développe une galerie de monstres complexes, tiraillés entre les deux espèces. Entités absurdes, torsions impossibles, son dessin virtuose confronte le spectateur à des chimères cruelles et torturées.
Depuis un autoportrait au décor ambigu, sur fond carmin, l’artiste contemple ses créatures au travers d’un crâne de cheval. Face à tous ces hybrides, elle s’interroge sur la compatibilité des deux moitiés du centaure. En parallèle, dans d’autres surgissements de couleur vive, une relation plus douce paraît lier les êtres dans les scènes de voltige. Humain et cheval y retrouvent une harmonie dans un mouvement plus libre et la mise en scène artistique de leurs corps.
Photo : Patrick Gérard
Florence Vasseur
De son dessin détaillé et minutieux, Florence Vasseur étudie le cheval et en révèle l’intériorité. Au plus près pour mieux l’observer, elle ignore son rôle, sa fonction, écarte sa charge symbolique afin de le considérer en tant qu’individu. Ainsi extrait de son environnement, l’animal dessiné se détache sur fond neutre, hors de tout contexte. Dans ses traits et son regard expressif, on croit alors déceler des émotions comme on les lit sur les visages humains. L’artiste ne cherche pourtant pas à les déchiffrer, et met en avant la figure du cheval pour son caractère sensible, sans analyse ou surinterprétation.
Cette dimension émotionnelle également évacuée, elle examine le cheval comme un simple corps naturel et plonge à travers la surface de sa peau. Différents jeux de transparence sont mobilisés pour faire apparaître ce qu’elle cache. Le papier, piqué, huilé, laisse voir les tissus gravés et imprimés au verso, sous la robe. Sur des plaques de verres, le noir de fumée appliqué avec la paume des mains ou le bout des doigts dessine des organes, réels ou imaginaires.
Les fragments anatomiques représentés, muscles ou viscères, tendent vers le végétal et évoquent pour certains des paysages entiers, rappelant l’appartenance de l’animal aux étendues sauvages. Sous les traits de Florence Vasseur, le cheval semble se savoir observé et sentir la présence de l’artiste à ses côtés. Réagissant à ce contact, peau contre peau par l’intermédiaire du dessin, il répond à ce regard bienveillant en dévoilant sa nature profonde.